Des plaques bilingues dans notre quartier
Des plaques bilingues français/alsacien dans notre quartier ?
Après l’avenue Aristide Briand, la célèbre “Stressla” (traduction : la “petite rue”, quel euphémisme!) le “Parc de la Cotonnière/Baradrackgàrta” , qui jouxte la Cité Manifeste, est le deuxième espace public du quartier à afficher une dénomination bilingue, depuis son inauguration au printemps 2005. “Baradrakgàrta” (traduction littérale : jardin de la réglisse) fait référence au surnom donné par les Mulhousiens à cette “Cotonnière”, dirigée à l’époque par un “Fabrikherr” (traduisez : “grand patron”) du nom de Schwartz-Koechlin. Celui-ci servait alors à ses ouvriers une boisson parfumée à la réglisse, très à la mode début du 20 ème siècle, car elle se voulait stimulante. D’où les surnoms “s’Baradraks” donné à l’usine par les Mulhousiens et “Baradrackhieser” aux maisons ouvrières du quartier situées à proximité immédiate de cette usine.
Voici une belle anecdote historico-linguistique sauvée ainsi de l’oubli grâce à cette plaque bilingue. Le programme de mise en place de plaques bilingues à Mulhouse a pour objectifs tant de promouvoir le bilinguisme que de titiller la curiosité des Mulhousiens à l’égard de l’histoire de leur ville. En permettant au dialecte de s’afficher ainsi dans l’espace public, ces plaques bilingues français/alsacien ambitionnent de sensibiliser les Mulhousiens à la richesse de ce patrimoine linguistique et historique et à l’importance de sa sauvegarde. Le Conseil de quartier, lors de sa réunion du 12 janvier dernier a décidé de proposer à la municipalité de poursuivre, ponctuellement, la mise en place de telles plaques bilingues dans notre quartier, lui aussi à bien des égards, un quartier “historique” et emblématique de Mulhouse. Si vous avez des propositions en ce sens, de rues ou places qui gagneraient à afficher une telle plaque bilingue, n’hésitez pas à nous en faire part, en nous indiquant si possible la dénomination en alsacien. Par avance, merci ! (exemples : rue des Oiseaux/Vogelstross ; rue des Abeilles/Bienegass etc…)
P’tit journal du quartier Cité briand Patrick Hell
Pasteur ou Mozart ?
Remarque intéressante d’un lecteur curieux :
« J’habite depuis peu rue Pasteur. Contrairement à d’autres, cette rue ne parte pas de plaque bilingue. Je me suis rendu aux archives municipales et sur un plan allemand (non daté), j’ai découvert avec surprise qu’elle s’appelait Mozartstrasse (rue Mozart).
Etant fan de ce musicien, je propose à la mairie de retenir ce nom pour une plaque bilingue pour la commémoration du 250e anniversaire de la naissance de Mozart… »L’Alsace Mulhouse
Le mot de Marie-Claire Vitoux
La toponymie, un patrimoine auxiliaire de l’histoire
Les historiens sont des enquêteurs (le mot « Histoire » en grec ancien veut dire « enquête »), des policiers en quête des traces du passé, d’indices pour retracer ce qui s’est passé. Pour un enquêteur, tout est bon, du mégot de cigarette aux listings téléphoniques, du rouge à lèvres sur un verre à l’empreinte d’une semelle dans la terre. Pour l’historien aussi, tout les mots font sens, ceux des archives écrites comme ceux prononcés par les témoins et les acteurs quand il s’agit d’histoire immédiate : tous les mots… et donc les toponymes.
Qu’on en juge par quelques exemples.
Plus rien ne subsiste à Mulhouse de l’ancienne léproserie et de sa chapelle : rien…sauf le toponyme de la rue des Bonnes gens, puisque ainsi étaient dénommés les lépreux : en leur faisant aumône, le fidèle gagnait son salut et devait donc beaucoup à « ces gens-là ».
La rue bonbonnière quant à elle rappelle l’existence des maisons closes dans le Mulhouse médiéval, maisons de tolérance qui ne le furent plus, dit-on, lors du passage à la Réforme.
Ces deux exemples nous montrent qu’au-delà de l’histoire des lieux, c’est une histoire culturelle qui est possible. Les lépreux sont des exclus comme le révèle la localisation hors les murs de leur lieu d’habitation ; les prostituées sont des marginales parquées dans une rue et une seule. Et pourtant, les relations entre eux et la société ambiante sont profondément ambivalentes : leur exclusion entraîne la désignation de la place où ils sont assignés et donc permet de mesurer la réalité de leur inclusion aux marges de la société urbaine.
Par ailleurs, et surtout, la toponymie médiévale, parce qu’elle est une décision ou le produit d’une habitude collective, permet de saisir la culture populaire qui souvent ne laisse aucune trace écrite directe : la foi chrétienne vécue implique un système de dons aux lépreux et de contre-dons des lépreux (le salut). La prostitution condamnée par les élites municipales réformées reste populaire en traversant le temps et les condamnations.
Dans le même ordre d’idées, rappeler par des plaques bilingues les noms dialectaux des rues, c’est faire ressurgir cette culture populaire urbaine tout en l’insérant dans l’histoire, la grande histoire. Car, l’histoire politique particulière de l’Alsace confère un autre intérêt encore à l’étude de la toponymie : les deux périodes de germanisation des toponymes en disent long sur l’entreprise de mise au pas de la province par les deux derniers Reich allemands, mais aussi sur les différences entre les deux régimes : le premier germanise, le second nazifie…Ainsi, comme la sigillographie, l’héraldique ou la paléographie, l’étude de la toponymie est une science auxiliaire de l’Histoire…auxiliaire mais pas ancillaire !
Marie-Claire Vitoux
Présidente du Conseil consultatif du patrimoine mulhousien – 2008« Pfrundhüs » et perplexité
Voilà un lecteur qui souhaite faire partager un « sujet de satisfaction » plutôt qu’une récrimination.
En l’occurrence « l’agréable surprise » qu’a constitué pour lui « le fait de découvrir, un beau matin, que ma rue (de la Synagogue) était devenue bilingue et affichait en langue régionale le nom de ‘ Pfrundhüsgass ‘ » Nom qui suscita chez notre lecteur « une certaine perplexité ». « je ne savais pas, déjà , qu’il existait des mot commençant par trois consonne consécutives. Ensuite, je n’en connaissais pas la signification et doutais d’un rapport avec la synagogue ». « En consultant un dico, j’ai découvert la signification de ce mot, en haut allemand ‘ Pfrundhaus’, à savoir ‘hospice’. Je suppose que cela fait référence à l’hôpital qui occupait les lieux au Moyen-Âge et dont on trouve également la trace étymologique dans le nom de la rue adjacente, je suppose d’origine contrôlé :’Alt Spitaldurgang’. Toujours est-il que je trouve cette campagne de mise en place de plaques bilingues fort sympathique, car hormis son coté linguistiquement dialectique et le fait de promouvoir un sain bilinguisme, elle titille notre curiosité et nous incite à nous intéresser davantage à l’histoire de Mulhouse et finalement à mieux faire connaître, comprendre et apprécier notre ville ». Et notre lecteur de conclure par un « bravo et merci » enthousiaste.
L’Alsace Mulhouse
Kramgasse ou Kromgasse ?
Le nom alsacien de la rue Mercière est-il Kramgasse ou Kromgasse ?
Les deux, répond Tony Troxler, qui intervient dans un débat dont on n’aurait pas soupçonné qu’il passionne à ce point-là les dialectophones.
« ne chipotons pas sur la manière d’écrire les mots pour que la langue reste vivante et créatrice et pour que des plaques bilingues puissent être posées sans état d’âme… », estime le pilier du Théâtre Alsacien de Mulhouse qu’est Tony Troxler. Voici ses explications :
« la rue Mercière, qui est une des plus anciennes de Mulhouse, est citée dès 1280 sous le nom de Krämer Gazzon. Ernest Meininger la mentionne sous la dénomination de Kramgasse / Kromgasse, de Krämer, épicier et mercier.
Les deux noms sont justes mais ont des sens différents.
Kram est le nom donné à la toile sur laquelle on étendait les marchandises (épicerie, mercerie, bimbeloterie) puis celui de la bâche qu’on utilisait pour couvrir le stand, puis la boutique où ces marchandises étaient vendues et enfin la marchandise elle-même.
Les paysans venaient acheter là ce qui leur manquait : sel, poivre, épices, rubans, dentelles, etc…
Krom ne désignait que des achats faits pour offrir des cadeaux : souvenir, statuettes, parfums, épices rares, etc… »Pour savoir quel nom a été choisit, visitez la page de la Rue Mercière
L’Alsace Mulhouse