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Le mot de Djamila Sonzogni

Il est important, de généraliser les plaques bilingues partout dans notre région, dans tous les quartiers…
Mais cette question n’est pas polémique. Tout le monde est d’accord pour mettre des plaques bilingues… le débat c’est où, dans quel dialecte…
Pour moi, c’est partout et aussi dans les quartiers populaires où vivent de nombreux enfants d’immigrés car ce sont des français et des alsaciens à part entière et qu’ils ont le droit de connaître l’histoire de leur région tout comme l’histoire de leur région d’origine nous apporterait beaucoup.
Dans quelle dialecte ? On ne peut pas écrire le nom des rues en quatre exemplaire, c’est pourquoi je pense qu’il faut utiliser le dialecte local. Mais cela dit, pour moi la question des plaques bilingues c’est l’arbre qui cache la forêt, car c’est du bilinguisme, de la défense des cultures régionales dont il s’agit. question. Cette problématiques des cultures régionales, du bilinguisme et même du multilinguisme me touche personnellement.
Etant française d’origine algérienne, j’ai baigné depuis toujours dans le multilinguisme et les cultures régionales. J’ai toujours entendu parler français et kabyle (et même un peu l’arabe dialectal) en alternance à la maison. Ça ne m’a pas empêchée de réussir mon insertion dans la société… bien au contraire.

Ce n’est pas un hasard si j’ai adhéré pleinement à un parti politique comme Les Verts qui a toujours inscrit dans son programme la défense des langues et cultures régionales ou minoritaires.

La question du bilinguisme et de la préservation des langues régionales est une question primordiale, les enjeux sont nombreux : économique, touristique, culturel. Ce que je peux constater, c’est qu’on ne peut pas dire que les Français et même les jeunes soient aujourd’hui au top en ce qui concerne la maîtrise des langues étrangères.

J’étais certaine quand j’avais une vingtaine d’années et je n’étais pas la seule que nos enfants seraient tous bilingues voire trilingues…. Or il n’en est rien…
A l’heure de la mondialisation où tout s’échange dans le monde entier – surtout les marchandises et les capitaux – où l’on peut communiquer instantanément avec des pays qui sont de l’autre côté de la planète, nous ne sommes pas capables de parler couramment plusieurs langues…
Encore pire, alors que nous sommes dans une région frontalière avec des pays germanophones, alors que l’allemand a des racines communes avec nos dialectes pour ne pas dire qu’il fait partie de notre dialecte et de notre culture, la langue allemande recule en Alsace…
Le dialecte aussi d’ailleurs, vous l’avez tous constaté…
Les Alsaciens auraient dus exceller en allemand… ça aurait du être facile…
Quel gâchis… quand on pense à tous les échanges économiques, les créations d’emplois – pour ne pas dire les pertes d’emplois -, sans parler de l’aspect culturel que nous sommes en train de rater…

Aujourd’hui nos plus proches voisins (allemands et suisses) ne recrutent plus en Alsace parce qu’ils ne trouvent pas assez de personnes maîtrisant l’allemand oral et écrit… et les frontaliers alsaciens sont de plus en plus nombreux à pointer à l’ANPE. Combien d’entreprises ratent des marchés parce que nous ne nous sommes pas donnés les moyens pour que les alsaciens maîtrisent la langue allemande..
Nous misons sur des pôles de compétence tels que l’automobile, le textile, la recherche thérapeutique…
Et pourquoi pas un pôle de compétence linguistique allemand-français transversal au développement économique, à la formation, à l’éducation, au tourisme, à la culture…
Pourquoi ne nous donnons-nous pas les moyens pour faire de l’Alsace une région bilingue…
J’ai esquissé l’apport économique du bilinguisme français-allemand mais on pourrait aussi parler de l’apport touristique.
Les touristes germanophones sont de moins en moins nombreux en Alsace… Le personnel ne parle plus allemand, les plaquettes sont éditées en français et en anglais…
Un personnel qui maîtriserait mieux l’allemand, une communication en français et en allemand attireraient sûrement plus de monde surtout pour les courts séjours où les vacanciers veulent se reposer sur un accueil confortable…
Qu’est ce qu’on doit faire pour y arriver ?
La première chose c’est la formation dès le plus le jeune âge avec le renforcement et le développement des écoles bilingues…
Certains affirment que s’il n’y a pas plus d’écoles bilingues c’est parce que les parents ne le demandent pas…
Ce n’est pas tout à fait vrai, puisque l’an dernier des parents qui l’avaient demandé ont été déboutés par le TA… (buhl, obernai, seppois le bas)
Et puis si les parents ne le demandent pas c’est parce qu’ils ne sont pas informés…
Moi même mère de famille, depuis que je vis en Alsace, où mes enfants ont été scolarisées dès le primaire, alors que j’ai fait partie d’associations de parents d’élèves, siégé dans les CA, ou les Ce, je n’ai jamais assisté à une information expliquant ce qu’était une école bilingue, quels intérêts ça pouvait apporter et quelles conditions pour ouvrir une classe bilingue…
Après c’est facile de dire que les classes bilingues ne concernent que les enfants de privilégiés, si seuls les parents les plus initiés sont au courant de cette possibilité… Evidemment en général, les parents les plus initiés n’habitent dans les quartiers populaires…
On dit aussi que les classes bilingues sont utilisées pour contourner la carte scolaire, je ne sais pas si c’est vrai mais si tous les parents dans tous les milieux étaient informés ça changerait la donne.
Surtout si on explique aux parents que les enfants scolarisés dans les classes bilingues réussissent mieux, que le fait d’apprendre une langue tout petit permet d’apprendre d’autres langues plus facilement.

Je ne pense pas qu’il faille imposer le bilingue partout mais au moins informer les parents et leur donner le choix pour que la loi en la matière soit appliquée. La loi en la matière c’est que si un nombre défini de parents demandent que leurs enfants suivent une éducation bilingue, on ouvre une classe… dans l’école dont dépendent les enfants.
Je suis persuadée que si les parents étaient informés de cette possibilité et de ces apports, il y aurait beaucoup plus de demandes.
Pour y arriver toutes les collectivités doivent travailler ensemble, les communes, les communautés de communes, les départements et la région. Cela obligerait l’Etat à travers l’Education Nationale a respecté les engagements qu’il a pris et qu’ils n’a pas tenu et à revoir ses projections à la hausse en terme de professeurs formés et d’ouvertures de classes bilingues..
L’Etat a préféré l’apprentissage extensif (trois heure d’allemand par semaine en primaire) et le bilangue au développement du bilinguisme. C’est un échec.
En ce qui concerne l’apprentissage extensif, vu le manque de personnel formé, il provoque le contraire de l’effet recherché. La plupart des élèves dès qu’ils arrivent en 6e se précipitent sur l’anglais parce que l’apprentissage de l’allemand a été trop rébarbatif.
Au collège, au lycée, les élèves se retrouvent à plus de 30 dans les cours de langue, ce qui rend impossible tout apprentissage…
La majorité des élèves qui sortent de la filière trilingue appelée aujourd’hui bilangue (deux langues étrangères plutôt anglais et allemand plus français) ne maîtrise ni anglais, ni allemand.
Le bilinguisme a fait ses preuves pourquoi ne pas l’encourager plus ?
La Région peut faire plus pour le bilinguisme.
L’olca (office de la langue et de la culture alsacienne), fait la promotion d’une seule partie du dialecte, l’alsacien et a complètement occulté l’allemand… L’OLCA doit prendre en compte toutes les parties du dialecte et intégrer l’allemand écrit et oral.. Pourquoi l’OLCA n’organiserait-elle pas des cours d’allemands comme elle le fait pour les cours d’alsaciens, ça intéresserait plus de monde et ça permettrait de préserver l’alsacien…
La Région doit aussi intégrer dans son programme de formation professionnelle, l’apprentissage intensif de l’allemand ;
aider les entreprises qui travaillent avec les pays germanophones à former leur personnel au niveau linguistique ;
soutenir les entreprises du secteur touristique dans leur communication avec nos voisins ;
éditer systématiquement nos plaquettes en Allemand et pas seulement en anglais.
A l’heure de la décentralisation, les communes, les départements, la Région peuvent agir pour que le bilinguisme progresse en alsace en s’appuyant sur les leviers dont ils disposent.
Les collectivités locales doivent s’unir pour peser sur l’Etat pour que les conventions soient respectées, inciter l’Etat pour qu’il aille plus loin dans ces conventions.

Il faut aussi ouvrir le bilinguisme aux filières technologiques et professionnelles qui auront avec l’allemand plus de débouchées … en terme d’emploi

Le bilinguisme ce sont des atouts économiques et touristiques mais il y a un autre atout très important c’est la préservation de l’identité régionale c’est à dire la préservation d’une histoire, d’une culture, d’un patrimoine…
L’identité alsacienne ne doit pas se réduire à la cuisine, aux vins, aux colombages et à quelques manifestations folkloriques pas toujours très attrayantes pour les jeunes. Heureusement, il faut le reconnaître le théâtre dialectal marche bien mais est-ce qu’il touche le public jeune ?
Il faut rendre l’identité alsacienne attrayante pour les jeunes si on veut qu’elle perdure…
Dans le programme scolaire, devait figurer l’histoire de la région… Combien de jeunes savent ce que sont les « malgré nous » ? combien ont vu « Les Alsaciens et les Trois Mathilde », film tv abordable qui résume bien une partie de l’histoire alsacienne…
Pourquoi il n’y aurait pas en Alsace, comme dans d’autres régions françaises du théâtre moderne, du rock ou du rap alsacien qui donneraient envie aux jeunes de continuer à parler cette langue ce qui aurait l’avantage de préserver l’identité, l’histoire alsacienne tout en s’ouvrant sur les autres cultures en plus de faciliter l’apprentissage de l’allemand.

Pour conclure, nous sommes tous convaincus des enjeux qui se cachent derrière la défense des langues et de la culture régionale que ce soit au niveau sociétal, culturel, au niveau de notre histoire, de l’économie.
Nous sommes tous d’accord pour constater que ces enjeux n’ont pas été pris en compte suffisamment et qu’aujourd’hui, les habitants de la région Alsace, en subissent les conséquences…
L’Etat le premier doit prendre ses responsabilités et enfin ratifier la charte européenne des langues régionales et minoritaires signée par la France en mai 1999.
Mais nous devons aller plus loin et voter enfin, une loi cadre sur les langues et cultures régionales (les langues historiques vivantes, utilisées en métropole et en Outre-Mer) mais aussi les langues minoritaires.

Nous devons encourager toutes les structures qui veulent mettre en place l’apprentissage des langues minoritaires, langue d’origine de nombreux alsaciens comme par exemple l’arabe, pour que cet apprentissage ne se fasse pas dans les mosquées. Les associations laïques qui veulent organiser ces cours ne manquent pas mais elles abandonnent faute de soutien des collectivités.

Le bilinguisme est une ouverture au multilinguisme, c’est André Weckmann un de nos grand auteur alsacien qui l’a rappelé.
il s’agit d’être en phase avec ceux qui viennent d’ailleurs. Car est alsacien celui qui a choisi de vivre ici et de l’être quel que soit son nom et d’où qu’il vienne.
Djamila SONZOGNI
Conseillère Régionale
Les Verts – 2007

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