Le mot de David Cascaro
Quand je suis rue de Brunstatt, je suis presque à Brunstatt
Quand j’avance rue de Huningue je me rapproche de Huningue
Quand je suis rue de Lure je suis dans la bonne direction
Quand je marche rue du ravin, je regarde où je mets les pieds
Quand je me promène rue des vergers j’ai le goût des poires en bouche
Quand je me dirige rue de Lyon à Mulhouse je pense à mon cousin lyonnais
Quand j’emprunte la rue du Havre, j’entends déjà les mouettes
Quand je traverse la place de la Concorde, je cherche partout l’obélisque
Quand j’atteins la rue de Cherbourg, ça sent le cargo en cale sèche
Quand je parcours la rue des Amidonniers, j’entends le bruit des usines
Quand je m’arrête place de la Réunion, j’imagine la grande fête de 1798
Quand je passe rue des Charrons, je suis coincé dans un embouteillage de charrettes
Quand je traverse le passage Teutonique, j’enfile mon heaume
Quand je me rends rue du 15 août, je vérifie la date du jour
Quand j’arrive devant le pont de la SACM, les wagons ne peuvent plus passer
Quand je rejoins la rue des Machines, le vacarme est trop fort
Quand je coupe la rue des Halle, ça sent les fruits et légumes
Quand je reviens rue des Bonnes Gens, je me mets un mouchoir sur le nez
Quand je suis Müàssbrunnergàsslà, je reprends ma respiration
Quand j’avance sur Mehlàgass, j’agite mes bras dans tous les sens
Quand je me trouve Pfaffàgàsslà, je prends un air de contrition
Quand je marche Lothringergass, je tape des pieds avec mes sabots
Quand je me promène sur Spiegeltor, je cherche ma silhouette dans les vitrines
Quand je me dirige vers Strauigass, je ne fais pas de foin
Quand j’emprunte Schindergassla, je rentre la tête dans les épaules
Quand je traverse la Kromgass, je dépense plus qu’il ne faut
Quand j’atteins la Hiehnerwinckel, je me retrouve dans une basse cour
David Cascaro
Directeur de l’école Supérieure d’Art de Mulhouse, Le Quai – 2009