Le mot de Bernard Stoessel
Il y a deux manières d’être « à côté de la plaque », en matière de plaques bilingues.
La première consiste à penser que, au mieux, cela n’est que du folklore, au pire, que cela ne sert à rien.
Mélange d’inculture, de complexe identitaire et de germanophobie, cette attitude, encore trop fréquente bien qu’en recul, a pour origine et pour conséquence d’avoir de l’Alsace une vision étriquée de région française standard, copie conforme formatée d’entités administratives découpées en fonction d’un modèle centralisé.
L’Alsace vaut mieux que cela et il est vital pour elle qu’elle résiste aux pressions, internes et externes qui voudraient la faire « rentrer dans le rang ».
s’Elssass het a Seel : sini Sproch
Eliminer sa langue, c’est tuer son âme. La faire vivre, par tous les moyens, en toutes circonstances, c’est la faire vivre. La rue est l’endroit privilégié de l’expression populaire. C’est là qu’elle doit avoir droit de cité, plus qu’ailleurs. Les plaques bilingues sont là pour éveiller les consciences endormies des dialectophones et susciter l’intérêt de ceux qui n’ont pas eu la chance d’être nourris, dès le plus jeune âge, par les saveurs d’un dialecte aux multiples richesses, clef pour avoir accès facilement à l’allemand standard dont il est si proche. Une politique volontariste en faveur des plaques bilingues est donc indispensable.
La deuxième manière d’être « à côté de la plaque » sur ce sujet consiste à penser que cette initiative est suffisante pour que l’atout que constitue le bilinguisme ne se perde pas. Ceux qui le croient ou font semblant de le croire sous-estiment le danger que courent les jeunes générations de voir le patrimoine linguistique de notre région être définitivement et irrémédiablement perdu. Aujourd’hui, même ceux qui étaient insensibles ou méfiants par rapport au contenu identitaire du bilinguisme sont obligés de convenir que l’avenir de la situation économique et de l’emploi de l’Alsace est largement lié à celui du développement des capacités linguistiques des jeunes alsaciens. Par rapport à cet enjeu, la politique des plaques bilingues est un signal important, mais elle n’est que le signe d’une sensibilisation et d’une prise de conscience. Elle ne peut pas tenir lieu de politique linguistique. Elle est donc nécessaire, mais pas suffisante.
Ce qu’il faut, pour l’Alsace, c’est une politique linguistique globale, élaborée en concertation avec tous les partenaires des pouvoirs publics, de l’éducation, de la formation, de la culture, des médias, des associations…. Alli muen metmachà !
Ne pas la mettre en œuvre, ce serait, à coup sûr, pour l’Alsace, être à côté de la plaque. « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »*, mais il n’est pas interdit d’avoir de l’espoir pour agir, ni de se féliciter des réussites pour poursuivre l’effort.
La promotion des plaques bilingues faite par ce site en est une, exemplaire au sens fort du terme. Merci à François Guemguem et Patrick Hell d’en être les initiateurs méritants et les infatigables animateurs.
Vilmol merci un vergassa’s net, met zweisprachig Strossdafflà, kat m’r sich nem verliere en Milhüsa !
30 novembre 2007
*(Citation attribuée à Guillaume d’Orange, reprise d’un aphorisme de Charles le Téméraire)
Vice-Président du Conseil Régional
Président de la commission Formation initiale, éducation et enseignement de la langue régionale
Adjoint au Maire de Mulhouse
Mouvement Démocrate (MoDem) – 2008