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  • Le mot de Jean-Marie Bockel

    Mulhouse a été la première grande ville d’Alsace à lancer un programme de mise en place de plaques de rues bilingues français/alsacien en 1991 .

    J’ai apporté mon soutien à cette action dès le départ. Il s’agit à la fois de valoriser la présence du dialecte dans le quotidien, et de préserver la richesse d’un patrimoine : du Parc de la Cotonnière (Baradrack Garta – jardin de réglisse : boisson parfumée à la réglisse distribuée aux ouvriers d’antan) au quartier de la Fonderie (Giesserei, appellation préservée par la maison de quartier), en passant (bien sûr) par le cœur de notre centre historique, les plaques bilingues ont à présent investi plus de 50 rues de Mulhouse … et de nouveaux programmes sont constamment à l’étude.
    Je salue l’initiative de François Guemguem, jeune Mulhousien d’origine lyonnaise, ce qui témoigne de l’intérêt de la jeunesse pour cette opération de promotion du bilinguisme. Celle-ci participe pleinement de ma vision de Mulhouse :

    • une ville réconciliée avec son passé , décomplexée, renforçant les liens de son tissu social et se projetant vers l’avenir,
    • une ville qui développe une nouvelle dynamique et une nouvelle identité fondée sur le caractère pluriel et multiculturel de sa population, dont la langue et la culture régionales font partie intégrante,
    • une ville, enfin, qui forge son avenir et sa fierté en donnant des ailes à ses racines !

    Je souhaite donc une longue et belle vie à ce site !

    Jean-Marie Bockel
    Maire de Mulhouse
    Sénateur du Haut-Rhin – 2006

  • Le mot de Marie-Claire Vitoux

    La toponymie, un patrimoine auxiliaire de l’histoire

    Les historiens sont des enquêteurs (le mot « Histoire » en grec ancien veut dire « enquête »), des policiers en quête des traces du passé, d’indices pour retracer ce qui s’est passé. Pour un enquêteur, tout est bon, du mégot de cigarette aux listings téléphoniques, du rouge à lèvres sur un verre à l’empreinte d’une semelle dans la terre. Pour l’historien aussi, tout les mots font sens, ceux des archives écrites comme ceux prononcés par les témoins et les acteurs quand il s’agit d’histoire immédiate : tous les mots… et donc les toponymes.

    Qu’on en juge par quelques exemples.
    Plus rien ne subsiste à Mulhouse de l’ancienne léproserie et de sa chapelle : rien…sauf le toponyme de la rue des Bonnes gens, puisque ainsi étaient dénommés les lépreux : en leur faisant aumône, le fidèle gagnait son salut et devait donc beaucoup à « ces gens-là ».
    La rue bonbonnière quant à elle rappelle l’existence des maisons closes dans le Mulhouse médiéval, maisons de tolérance qui ne le furent plus, dit-on, lors du passage à la Réforme.
    Ces deux exemples nous montrent qu’au-delà de l’histoire des lieux, c’est une histoire culturelle qui est possible. Les lépreux sont des exclus comme le révèle la localisation hors les murs de leur lieu d’habitation ; les prostituées sont des marginales parquées dans une rue et une seule. Et pourtant, les relations entre eux et la société ambiante sont profondément ambivalentes : leur exclusion entraîne la désignation de la place où ils sont assignés et donc permet de mesurer la réalité de leur inclusion aux marges de la société urbaine.
    Par ailleurs, et surtout, la toponymie médiévale, parce qu’elle est une décision ou le produit d’une habitude collective, permet de saisir la culture populaire qui souvent ne laisse aucune trace écrite directe : la foi chrétienne vécue implique un système de dons aux lépreux et de contre-dons des lépreux (le salut). La prostitution condamnée par les élites municipales réformées reste populaire en traversant le temps et les condamnations.
    Dans le même ordre d’idées, rappeler par des plaques bilingues les noms dialectaux des rues, c’est faire ressurgir cette culture populaire urbaine tout en l’insérant dans l’histoire, la grande histoire. Car, l’histoire politique particulière de l’Alsace confère un autre intérêt encore à l’étude de la toponymie : les deux périodes de germanisation des toponymes en disent long sur l’entreprise de mise au pas de la province par les deux derniers Reich allemands, mais aussi sur les différences entre les deux régimes : le premier germanise, le second nazifie…

    Ainsi, comme la sigillographie, l’héraldique ou la paléographie, l’étude de la toponymie est une science auxiliaire de l’Histoire…auxiliaire mais pas ancillaire !

    Marie-Claire Vitoux
    Présidente du Conseil consultatif du patrimoine mulhousien – 2008